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Nous allons commencer ce cours avec une question simple, qui est paradoxalement une excellente introduction à la cosmologie :

Pourquoi la nuit est-elle noire ?

Cette question peut sembler étrange, tant nous sommes habitués à voir les étoiles sur un fond noir. Bien que la lumière artificielle nous cache les étoiles et éclaire le ciel nocturne, nous savons que cette lumière cache le noir de la nuit, ses étoiles et la Lune. Mais l'expliquer est une autre paire de manches. Il a fallu du temps avant de trouver une explication satisfaisante et les anciens astronomes avaient d'autres réponses que les scientifiques contemporains.

Les astronomes de l'antiquité n'étaient eux-mêmes pas surpris par l'obscurité de la nuit. Pour simplifier, ils pensaient les étoiles attachées à une sphère céleste, une sorte de sphère/coupole géante qui recouvre le ciel. S'ils supposaient que la Terre tourne sur elle-même, ils supposaient la sphère céleste fixe, expliquant le mouvement des étoiles au cours de la nuit et des saisons. Pour être plus précis, leur pensée utilisait plusieurs sphères : une pour le Soleil, une pour la Lune, une pour les étoiles proches, une pour les étoiles fixes des constellations (la plus lointaine) et bien d'autres. Mais beaucoup de savants avaient compris que ce modèle de sphères concentriques était tout au plus un artifice de calcul, utile, mais faux.

Terre dans la sphère céleste.
Sphères célestes emboîtées d'Anaximandre.

Avec les progrès de l'astronomie, et notamment l'arrivée des modèles géocentriques et héliocentriques, ce modèle de sphères emboîtées fût remis en cause. Pour les astronomes du moyen-âge et de la renaissance, les étoiles et astres n'étaient pas fixés sur des sphères, mais peuvent emplir tout l'espace. La répartition des étoiles était supposée globalement uniforme, avec certes des variations à petite échelle, mais qui cache une grande homogénéité à grande échelle. De plus, la lumière de ces étoiles se déplaçant dans le vide intersidéral en ligne droite, ce qui rend les étoiles visibles depuis la Terre, tant qu'il n'y a pas d'obstacle entre elles et la Terre. De plus, leur vision de l'univers évolua vers un modèle d'univers infini, immobile, éternel. Par immobile, on veut dire que les effets de la gravité des astres s'annulent mutuellement sur de grandes distances. Chaque galaxie s'éloigne ou se rapproche de la nôtre, mais dans l'ensemble, ces différents mouvements devraient se compenser et la moyenne des vitesses des galaxies serait nulle. Par infini, on veut dire que l'univers a un volume infini : il n'a pas de début ni de fin, pas de frontières ou de bords, etc. Et par éternel, on veut dire qu'il a un âge infini, qu'il n'a pas de début et de fin. Mais les astronomes du moyen-âge et de la renaissance comprirent rapidement que le noir de la nuit était incompatible avec ce qu'ils savaient de l'univers.

Le paradoxe d'Olbers

Nombre d'étoiles visibles depuis la Terre en fonction de leur distance.

Si l'univers est infini et statique, le ciel devrait être extrêmement lumineux. Si l’univers est infini, il contient une infinité d'étoiles. Et s'il existe depuis un temps infini, la lumière de toutes ces étoiles a eu le temps d'atteindre la Terre. En conséquence, le ciel devrait être éclairé par une infinité d'étoiles. Peu importe où on regarde de la voûte céleste, on devrait y voir une étoile à cet endroit. Alors certes, les étoiles lointaines nous envoient directement moins de lumière que les étoiles proches. Après tout, plus un objet est lointain, moins on reçoit sa lumière, qui est répartie dans toutes les directions. Mais cela est compensé par le fait que plus la distance d'émission est grande, plus il y a d'étoiles à cette distance. Le schéma ci-contre illustre ce fait. La baisse de quantité de lumière reçue est compensée par le plus grand nombre d'étoiles. Pour résumer, le ciel devrait être empli de lumière, cachant totalement le Soleil. C'était pour eux un paradoxe, appelé paradoxe d'Olbers, du nom de l'astronome qui le formalisa (d'autres astronomes, comme Kepler, avaient cependant mentionné ce paradoxe dans certains écrits, mais pas aussi explicitement qu'Olbers).

Pour mieux comprendre le problème, nous allons reprendre un développement mathématique assez connu qui formalise l'argument d'Olbers.

Modélisation de la répartition des étoiles

En premier lieu, on découpe l'univers en sphères concentriques. Chaque couche, chaque sphère, a une épaisseur égale à la distance moyenne entre deux étoiles. De plus, chaque couche est à une distance de la Terre.

Illustration d'une couche sphérique dans la démonstration d'Olbers.

Calcul du nombre d'étoile dans chaque couche

En second lieu, on calcule le nombre d'étoiles présentes dans chaque "sphère", dans chaque coque.

Pour cela, on utilise l'hypothèse suivante :

H1 : Les étoiles sont uniformément réparties.

Cette hypothèse dit que la densité d'étoile, à savoir le nombre d'étoiles par unité de volume, est constante. Dans ce qui suit, nous allons la noter .

Chaque "sphère", chaque coque, contient un nombre d'étoile égal à son volume multiplié par  :

Le volume d'une coque est approximativement égal à sa surface S multipliée par son épaisseur (la distance moyenne entre deux étoiles, notée D), ce qui donne :

En combinant les deux équations précédentes, on a :

Calcul du flux de lumière émis par les étoiles d'une couche

En troisième lieu, on calcule le flux de lumière émis par une couche.

Pour cela, on part de l'hypothèse suivante :

H2 : Toutes les étoiles ont la même luminosité L.

On va utiliser cette hypothèse pour calculer le flux de lumière de chaque étoile. La physique du rayonnement nous dit que ce flux est égal à :

Le flux émis par toutes les étoiles d'une couche est la somme des flux de chaque étoile de la couche :

On utilise alors l'équation , démontrée plus haut :

On simplifie :

Cette équation nous dit que toutes les couches émettent la même quantité de lumière, ce qui n'est pas intuitif...

Calcul de la luminosité du ciel

Illustration de la sommation de la luminosité de chaque "couche". Vision du ciel avec un nombre d'étoiles grandissant, dans un univers infini et éternel.

En quatrième lieu, on combine la luminosité de toutes les couches pour trouver la luminosité totale du ciel.

Pour cela, on utilise les hypothèses suivantes :

H3 : Toutes les étoiles sont visibles depuis la Terre, il n'y a pas d'obstacle entre une étoile et la Terre.

Cela signifie qu'il faut prendre en compte toutes les couches dans le calculs.

H4 : L'univers est infini.

Le fait que l'univers est infini nous dit qu'il existe une infinité de couches concentriques.

H4 : L'univers est éternel.

Le fait que l'univers est éternel nous dit que la lumière de toutes les étoiles a eu le temps d'atteindre la Terre.

Il faut donc additionner la luminosité de toutes les couches existantes pour trouver le flux de lumière visible dans le ciel. Nous n'allons pas faire le calcul, mais on trouve un résultat infini. Intuitivement, la troisième étape suffit à comprendre pourquoi : chaque couche a une luminosité finie et identique à celle des autres couches, et il y a une infinité de couches. Le ciel devrait être infiniment lumineux !

Les "solutions" du paradoxe d'Olbers

Divers savants se sont écharpés sur le paradoxe d'Olbers et de nombreuses réponses y ont été apportées. La démonstration d'Olbers n'ayant pas de problèmes mathématiques particuliers, il fallu se rendre à l'évidence : certaines hypothèses utilisées dans la démonstration sont fausses. Reste à trouver lesquelles.

On peut remettre en cause l'hypothèse de la luminosité fixe des étoiles, mais cela ne mène à rien. Même en supposant que certaines étoiles émettent peu ou pas de lumière, on se retrouve quand même avec une somme infinie. Remettre en cause la répartition des étoiles n'aide pas non plus : on devrait avoir des endroits du ciel extrêmement lumineux, bien plus que le Soleil, ce qu'on n'observe pas. Les observations astronomiques montrent de plus que si l'univers est assez hétérogène à petite distance, il est fortement homogène à grande distance.

Une première possibilité "crédible" était que les étoiles lointaines ne sont pas visibles depuis la Terre. Leur lumière est bien émise mais n'arrive pas à destination, reste à en trouver la raison. Une première explication fût que la lumière était absorbée par des nuages de gaz, de poussière, ou tout autre obstacle entre les étoiles et la Terre. Mais cette explication était incorrecte. L'obstacle en question absorbe le rayonnement de l'étoile, ce qui le chauffe. Or, tout corps chauffé émet un rayonnement dit de corps noir, dont l'intensité augmente avec la température. À force de chauffer, l'obstacle atteint une température d'équilibre, où le rayonnement absorbé par l'obstacle est intégralement réémis vers la Terre. L'obstacle est alors aussi lumineux que l'étoile qui le chauffe. Retour à la case départ.

La seule solution est que l'univers n'est pas infini et/ou qu'il a un âge fini. Les deux solutions font que l'on ne doit additionner que les couches les plus proches de la Terre, situées en-dessous d'un rayon maximal .

  • Si l'univers a un volume fini, il a de de facto un rayon maximal .
  • S'il a un âge fini , la lumière des étoiles très éloignées n'a pas eu le temps d'arriver sur Terre. Au-delà de la distance ( est la vitesse de la lumière), la lumière n'a pas encore pu arriver jusqu’à la Terre.
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