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Illustration de la relation entre la vitesse de fuite d'une galaxie et sa distance.

Dès 1918, les astronomes ont entrepris de mesurer la vitesse de galaxies à partir de la lumière qu'elles émettent. Les observations actuelles utilisent soit des étoiles variables (des céphéides), soit des étoiles qui explosent : les supernovas. Plus précisément, les astronomes utilisent une classe bien précise de supernovas, qui ont pour particularité de générer systématiquement la même luminosité : les supernovas de type Ia. La luminosité perçue depuis la Terre de ces supernovas est proportionnelle à la distance. Et les observations ne collent pas du tout avec cette hypothèse ! Dans les grandes lignes, on observe que les galaxies s'éloignent plus qu'elles ne se rapprochent. La conclusion est claire : l'univers s'étend, gonfle.

La loi de Hubble

Hubble a été le premier astronome à mettre en équation ce comportement, dans son article daté de 1929. Il étudia un grand nombre d'observations provenant de ses collègues, ainsi que les observations qu'il avait effectuées lui-même. De ces observations, il induit une loi statistique, du nom de loi de Hubble. Cette loi dit que la vitesse d'éloignement d'une galaxie est proportionnelle à sa distance. Dit autrement, cette loi est identique à la formule qui suit, dans laquelle v est la vitesse de fuite, D la distance de la galaxie et H un facteur de proportionnalité nommée paramètre de Hubble.

Le paramètre de Hubble est souvent appelé la constante de Hubble, mais les cosmologistes pensent qu'elle a évolué dans le temps, ce qui fait qu'il vaut mieux dire paramètre de Hubble.

La constante de Hubble

Mesures récentes du paramètre de Hubble.

Formellement, le paramètre de Hubble est égal à une vitesse divisée par une distance, ce qui fait qu'elle est l'inverse d'un temps. Le paramètre de Hubble H a donc pour unité , soit l'inverse d'une seconde. Mais dans les faits, les astronomes l'expriment en kilomètres par seconde par mégaparsecs (km/s/Mpc ou . Pour rappel, le mégaparsec est une unité astronomique qui vaut environ 3,26 millions d'années-lumière. Avec de telles unités, le paramètre de Hubble vaut :

Les mesures du paramètre de Hubble sont assez nombreuses, mais elles semblent converger vers la valeur de 70 mentionnée plus haut, avec cependant des incertitudes de mesure non-négligeables. Pour vous donner quelques exemples, les graphiques ci-dessous et ci-contre vous donnent les valeurs mesurées pour plusieurs compagnes d'observation assez anciennes. Vous voyez que la valeur n'est pas connue avec certitude.

Mesures de la constante de Hubble par plusieurs campagnes scientifiques.

Le temps de Hubble

Comme dit plus haut, le paramètre de Hubble est l'inverse d'un temps. Ce temps en question est appelé le temps de Hubble et nous le noterons . Par définition, il vaut :

Ce qui se reformule en :

Il vaut environ 14,4 milliards d'années et cette valeur est très proche de celle actuellement admise par les scientifiques pour l'âge de l'univers (13,6 milliards d'années environ). Précisons que si les estimations actuelles nous disent que les deux sont assez proches, mais rien ne nous dit qu'ils sont exactement identiques. Les mesures et estimations sont en effet entachées d'une marge d'erreur assez large, ce qui fait que les deux mesures peuvent sembler se confondre alors qu'elles sont peut-être légèrement différentes.

Le temps de Hubble n'est pas l'âge de l'univers, attention à ne pas confondre ! La théorie nous dit que temps de Hubble et âge de l'univers n'ont pas de raison de coïncider. Dans la plupart des théories mathématiques de la cosmologie, et âge de l'univers ne coïncident qu'en un seul instant bien précis. À tous les autres instants, ces deux valeurs sont différentes. Dans de nombreuses théories cosmologiques, le temps de Hubble est plusieurs fois inférieur ou supérieur à l'âge de l'univers.

La seule exception est un modèle théorique appelé le modèle (oui, le nom de cette théorie est bien une formule mathématique...), dans lequel le temps de Hubble et l'âge de l'univers se confondent à tout instant. Mais c'est l'exception qui confirme la règle. À l'heure actuelle, on ne sait pas si ce modèle décrit correctement l'univers actuel. Aussi, les scientifiques ne savent pas si la coïncidence actuelle entre temps de Hubble et âge de l'univers en est une ou est valide en permanence.

Le rayon de Hubble

Les observations plus récentes ont toutes confirmé la loi de Hubble. Mieux, elles ont même montré que les galaxies vraiment lointaines semblent s'éloigner plus vite que la lumière. En effet, au-delà d'une certaine distance, le produit dépasse la vitesse de la lumière, si l'on en croit les observations. Cela peut sembler paradoxal, mais on verra dans ce chapitre qu'il n'en est rien. La distance à partir de laquelle les objets semblent aller plus vite que la lumière porte un nom : c'est le rayon de Hubble, noté . Par définition, on a :

On peut calculer le rayon de Hubble en utilisant la loi de Hubble . Pour cela, injectons celle-ci dans l'équation précédente :

Cette formule peut se réécrire comme ceci :

Ou encore :

Notons que cette dernière formule est une tautologie sans grande importance, sans sens physique. Elle vient de la manière dont on définit le temps de Hubble et le rayon de Hubble, mais ne dit rien sur l'interprétation physique du temps ou du rayon de Hubble. Dans la plupart des modèles cosmologiques, temps de Hubble et rayon associé n'ont pas de sens physique et ne sont que des conventions. Par exemple, le rayon de Hubble n'est en rien la limite au-delà de laquelle la lumière n'a pas eu le temps de nous parvenir (en termes scientifiques, ce n'est pas un horizon). On peut parfaitement voir des objets qui sont situés au-delà du rayon de Hubble, et les astronomes l'ont déjà fait. Bref, temps et rayon de Hubble sont des conventions.

L'expansion de l'univers et le facteur d'échelle

Analogie de l'expansion de l'univers.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, les scientifiques n'ont pas été étonnés de la découverte de la loi de Hubble. Il faut dire que la relativité générale était déjà bien avancée, et que les modèles d'univers en expansion ou en contraction étaient déjà étudiés à l'époque. De plus, cette équation avait été découverte quelques années auparavant par Georges Lemaître, un abbé féru de sciences, qui avait déduit cette relation des équations de la relativité générale. Les équations de la relativité expliquent la loi de Hubble avec le concept d'expansion de l'univers : les corps matériels de l'univers s'éloignent les uns des autres au fil du temps. Les interprétations de la relativité disent que l'expansion de l'univers ne provient pas d'un mouvement des objets dans l'espace, mais d'une modification de la manière de calculer les distances avec le temps. L'image qui est souvent donnée dans la vulgarisation scientifique compare l'univers avec un gâteau au raisin qui gonfle progressivement, les raisins étant les galaxies.

Expansion de l'univers.

Avec la loi de Hubble, il est évident que l'univers devait être plus "petit" par le passé (plus précisément, la portion de l'univers qui correspond aujourd'hui à l'univers observable). En renversant l'écoulement du temps, l'univers se contracte progressivement, et on peut facilement imaginer qu'après un certain temps, tout le contenu de l'univers soit rassemblé en un seul point : la singularité initiale. L'univers serait alors né d'une dilatation de cette singularité initiale, dilatation qui porte le nom de big-bang. Mais cette vue de l'esprit pose de nombreux problèmes mathématiques. En effet, cette singularité implique que de nombreux calculs dépendant des distances donnent des divisions par zéro. Par exemple, le calcul de la pression, de la température, de la densité, ou d'autres paramètres physiques ne sont pas calculables. Tout ce que peuvent faire les scientifiques, c'est étudier ce qu'il s'est passé quelques secondes ou minutes après le temps qui correspond à cette singularité hypothétique. Les calculs actuels ne donnent plus de résultats crédibles au-delà d'une certaine durée, la durée de Planck. Celle-ci vaut environ secondes.

Le facteur d'échelle

Mettre en équation le phénomène d'expansion de l'univers est assez trivial. Du fait de l'expansion, toute distance entre deux points sera multipliée par un facteur multiplicatif après une durée t. Pour calculer ce facteur multiplicatif, les physiciens font intervenir ce qu'on appelle le facteur d'échelle, noté . Dans ce qui va suivre, nous allons supposer que nous prenons toutes les mesures dans un référentiel d'origine O, et que nous suivons la distance d'un objet matériel en fonction du temps. Nous allons comparer les distances entre un instant et un instant ultérieur. L'augmentation des distances à cause de l'expansion de l'univers se calcule comme suit :

Le rapport des facteurs d'échelle est un coefficient multiplicateur qui dit par combien les distances ont été multipliées entre l'époque actuelle et l'instant . Dit autrement, le facteur d'échelle est ce par quoi il faut diviser les distances actuelles pour obtenir les distances à l'instant .

Notons que le facteur d'échelle est sans dimensions (il n'a pas d'unité).

Pour simplifier les calculs, on considère souvent que le facteur d'échelle vaut 1 à un instant idéal pour simplifier les calculs. Sous cette hypothèse, l'équation précédente se simplifie :

L’interprétation de cette équation est assez simple : si le facteur d'échelle augmente de X %, les distances font de même.

Les distances propres et comobiles

Reprenons la définition du facteur d'échelle vue précédemment :

Il est possible de réécrire la formule précédente comme suit :

Les distances et sont égale à une distance bien précise. Cette distance est en quelque sorte corrigée de l'influence des facteurs d'échelle. et . Elle peut s'interpréter comme la distance qu'auraient deux objets s'il n'y avait pas d'expansion. Elle est appelée la distance comobile. A contrario, la distance tient compte de l'expansion, qui augmente les distances entre deux objets. Les distances qui tiennent compte de l'expansion, opposées aux distances comobiles, sont appelées des distances propres. Par définition, les distances propres sont celles que l'on peut mesurer, qui ne sont pas corrigées de l'influence du facteur d'échelle.

Il existe une définition alternative de la distance comobile. C'est la distance mesurée à l'instant où .

Le lien entre vitesse et facteur d'échelle

La distinction entre distance comobile et propre peut aussi se faire pour les vitesses, volumes, surfaces et autres. Par exemple, il est possible de calculer une vitesse propre en dérivant la distance propre. Pour cela, on pourrait partir de la définition de la distance propre et en calculer la dérivée.

Mais les calculs seraient alors un petit peu longs, bien que pas difficiles. Pour éviter ce petit désagrément, nous allons ruser. À la place, nous allons calculer la dérivée de la distance comobile. La dérivée de la distance comobile est naturellement une vitesse, appelée la vitesse comobile. Elle correspond à la vitesse qu'aurait un objet s'il n'y avait pas d'expansion. Elle traduit le fait que les objets s'éloignent ou se rapprochent même sans expansion. Sachant que la distance comobile est définie par , on a :

On utilise la formule de la dérivée d'un quotient :

On simplifie par  :

Les deux termes : et sont techniquement des vitesses. Mais elles sont écrites en coordonnées comobiles, dans le référentiel où . Ce sont donc des vitesses que l'on ne peut pas mesurer. Pour passer dans le référentiel général, on doit multiplier par le facteur d'échelle :

Le terme n'est autre que la vitesse propre, la vitesse totale de l'objet qui incorpore les effets de l'expansion.

Cette équation peut se reformuler comme suit :

Le terme est ce qu'on appelle la vitesse locale. C'est la vitesse qu'a l'objet quand on retire l'effet de l'expansion, mais qu'on prend quand même en compte le facteur d'échelle. En effet, la vitesse comobile est mesurée dans un référentiel particulier, où . Et ce référentiel est situé arbitrairement dans le temps, pas forcément dans le temps présent. Pour obtenir la vitesse indépendante de l'expansion, on doit multiplier la vitesse comobile par , afin de tenir compte de la multiplication des distances au cours du temps.

On voit que la vitesse propre est la somme de deux vitesses. Une vitesse indépendante du facteur d'échelle et une autre qui dépend du facteur d'échelle. En clair, une vitesse indépendante de l'expansion et une qui y est proportionnelle. La première est une vitesse locale indépendante de l'expansion, alors que le second terme a pour origine l'expansion, d'où son nom de vitesse d'expansion.

Il faut noter que l'équation précédente nous explique pourquoi certaines galaxies très lointaines semblent s'éloigner de nous plus vite que la lumière. Si la vitesse locale ne peut dépasser la vitesse de la lumière, la vitesse de l'expansion n'est pas contrainte par . Ainsi, la vitesse supraluminique des galaxies lointaines provient de la vitesse de l'expansion et ne reflète pas une véritable vitesse supraluminique.

Le lien entre facteur d'échelle et paramètre de Hubble

Pour les objets éloignés, la vitesse locale est négligeable par rapport à la vitesse d'expansion. Il est donc utile, de supposer la vitesse locale nulle. Sous cette hypothèse, l'équation précédente se simplifie comme suit :

On retrouve la loi de Hubble en postulant que  :

Comme on le voit, la démonstration précédente nous donne la valeur exacte du facteur de Hubble.

Cette formule nous donne une nouvelle interprétation du facteur de Hubble : c'est la dérivée logarithmique du facteur d'échelle. Pour le dire plus clairement, il s'agit du taux, du pourcentage auquel l'expansion a lieu. Pour information, la dérivée s’interprète comme la vitesse de l'expansion de l'univers, la vitesse à laquelle croît le facteur d'échelle. Plus la vitesse de l'expansion est grande, plus l'univers grandit vite et s'étend rapidement. De même, la dérivée seconde de est l'accélération de l'expansion de l'univers : plus elle est grande, plus l'expansion devient de plus en plus rapide avec le temps. Le facteur de Hubble est donc la vitesse de l’expansion divisée par le facteur d'échelle, soit le taux de variation du facteur d'échelle. Intuitivement, il indique approximativement si le facteur d'échelle augmente de 5 %, 10 % ou 20 % par unité de temps. Si H vaut 0,015, cela signifie que les distances augmentent de 1,5 % par seconde.

Faites attention à ne pas confondre la vitesse de l'expansion avec la vitesse d'expansion qui est la vitesse d'un objet acquiert à cause de l'expansion.

Le lien entre expansion et facteur de Hubble

L'expansion, de part son action sur les distances, entraîne naturellement une variation des surfaces, volumes et densités. Prenons par exemple une sphère de rayon et de volume  : son rayon augmentant avec le facteur d'échelle, son volume fera de même. Quelques calculs triviaux nous disent que son volume évolue avec le facteur d'échelle selon la formule suivante, avec le volume de la sphère à l'instant .

Cette équation nous permet de déduire le rapport entre le facteur de Hubble et l'expansion des volumes. Pour cela, commençons par calculer la dérivée du volume :

Divisons ensuite par V, ce qui revient à diviser par :  :

On simplifie par et par  :

On utilise ensuite l'identité : pour simplifier le terme de droite, ce qui donne :

, qui peut aussi s'écrire de manière moins compacte comme ceci : .

Cette équation sera réutilisée plus tard dans le cours, quand nous démontrerons l'équation du fluide de Friedmann.

L'accélération de l'expansion de l'univers

Il est intéressant de savoir si l'expansion se fait à vitesse constante, ou si l'expansion accélère/décélère. Pour simplifier les calculs, nous allons omettre la vitesse de la lumière et nous concentrer sur la vitesse de l'expansion de l'univers. Cela ne change rien aux résultats que nous allons obtenir vu que la vitesse de la lumière est constante : sa dérivée est donc nulle, ce qui la rend inutile dans les calculs de dérivée qui vont suivre.

L'accélération de l'expansion en fonction du paramètre de Hubble

Une première étape pour savoir si l'expansion ralentit ou accélère, est de calculer l'accélération de l'expansion de l'univers. Cette accélération est simplement égale à la dérivée de la vitesse de l'expansion.

On peut alors appliquer la loi de Hubble pour déterminer la vitesse de l'expansion. En injectant dans l'équation précédente, on a :

Or, est simplement la vitesse d'expansion .

La vitesse de l'expansion peut se calculer avec la loi de Hubble, ce qui donne :

Le tout se simplifie en :

L'accélération de l'expansion en fonction du facteur d'échelle

Une autre manière de quantifier l'accélération de l'expansion est de calculer la dérivée du facteur de Hubble. Le raisonnement derrière cette définition est assez simple. Le facteur de Hubble dit à quel taux les distances dans l'univers augmentent avec le temps. Si la dérivée est nulle, le facteur de Hubble est constant : l'expansion n’accélère pas plus qu'elle ne décélère. Inversement, une dérivée non-nulle nous dit comment le facteur de Hubble varie, et donc comment évolue l'expansion. Si la dérivée est positive, l’expansion accélère, et elle décélère pour le cas négatif.

Sachant que , la dérivée du facteur de Hubble est la suivante :

On utilise alors la formule

Ce qui se simplifie, en utilisant le facteur de Hubble :

On peut réorganiser les termes pour obtenir l'équation suivante :

On peut en profiter pour identifier cette équation avec l'équation , ce qui donne :

Le facteur de décélération

Il est courant que les cosmologistes utilisent ce qu'on appelle le facteur de décélération, un nombre calculé à partir du facteur de Hubble. Celui-ci est positif si l'expansion est décélérée, négatif si elle accélère, et reste constant si la vitesse d'expansion reste constante. Par définition, ce facteur de décélération q vaut :

En utilisant la formule , la formule précédente se reformule comme suit :

On utilise alors la formule  :

Quelques manipulations algébriques donnent alors :

Les formules précédentes peuvent se réécrire sous la forme ci-dessous. Cette formule sera importante dans la suite du cours, car les deux termes et peuvent se calculer assez facilement. Dans les chapitres sur les équations de Friedmann, nous verrons que le premier terme se calcule à partir de la première équation de Friedmann et le second terme à partir de la seconde équation de Friedmann. Autant dire que l'étude des modèles cosmologiques est fortement facilitée quand on connaît cette relation.
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